Je fais ma préparation militaire parachutiste. Un officier, avec le grade de capitaine, vient au Chesnoy plusieurs samedi après-midi pour nous expliquer et nous apprendre à atterrir sans mal et à nous éjecter correctement de la porte d'un avion.
Vient le jour du premier saut. Pour cela il faut se rendre à Orléans. Nous sommes accueillis dans une caserne où l'on nous équipe d'un treillis militaire et du casque qui nous aidera à protéger nos chères petites têtes.
Le premier saut, comme d'ailleurs tous les autres, est précédé d'une attente qui nous semble interminable sur le tarmac près de l'avion. Un Nord Atlas.
Là évidemment les estomacs sont noués et les visages bien pâles. Cela fait un an que nous nous préparons physiquement et moralement. Le jour est arrivé et nous sommes là à attendre des heures durant le moment du décollage. Pourquoi est-ce si long ?
Je ne sais pas si, pour une raison ou une autre, le saut avait été annulé, une majorité d'entre nous n'aurait pas poussé un soupir de soulagement.
Dans l'avion le bruit est infernal. Pour beaucoup et je fais partie du nombre, c'est la première fois que l'on monte dans un zinc.
Le « Debout accrochez la S.O.A », (Sangle d'Ouverture Automatique) est quasiment inaudible. Nous l'exécutons comme des automates bien conditionnés.
Au GO libérateur nous nous éjectons à 300 m d'altitude.Toujours présente en moi la véritable jouissance qui s'en suit quand le parachute s'ouvre et qu'il ne nous reste plus qu'à admirer le paysage qui se rapproche dans le plus parfait silence. Atterrir n'est qu'une formalité inéluctable grâce à Newton.... !! Dans quel état ? C'est la question à laquelle on répondra dans un instant. L’atterrissage sera tranquille si on déverrouille les genoux, si on met les pieds joints la pointe opposée à la chute.
Ça y est nous l'avons fait. Il faut plier sommairement les toiles. Les gorges sont sèches. Fusent les questions : Alors ? C'était comment ?
La fin de la journée est bruyante. La nuit, celle qui précède le deuxième saut sera forcément agitée. Le premier saut est celui de l'insouciance, le deuxième devient plus réel, plus anxiogène.
Quelques fins de semaine plus tard nous finissons nos sauts réglementaires pour être breveté pré-militaire. Lors d'un de ces sauts je fais une crise de furonculose. J'atterris dans un champ de chardons avec les fesses pleines de boutons. Cela aide à mûrir.....
Je ne retrouverai que plus tard la même impression de bonheur physique qu'en faisant du planning sur les vagues en dériveur « 470 » avec mon ami Mulhstef sur le lac Tanganyika.Être breveté para voilà qui donne de l'assurance à un jeune homme souvent trop timide. De l'assurance et parfois une fierté imbécile.
Peu de temps après je m'évanouis en m'asseyant dans le fauteuil de ma jolie dentiste. Après une bonne baffe ou un verre d'eau froide je ne sais plus, je dis bêtement :« Mais non je n'ai pas peur, je suis breveté para.. » Quel con !
Écrit à Castelnau de Guers le 2 Avril 2020 à 16 h 47'.
Robert Arnold JAEGER-GARTZ