Le conteur Jaeger Il conte et raconte sans compter une vie par lui bien remplie
34120 CASTELNAU DE GUERS FRANCE

Découverte de Cotonou

30 Avr. 2021   2eme tiers

  • 15 Avril 1965.Il est 16 h et il vient de pleuvoir à Cotonou lorsque l'avion se pose.

    Le tarmac est transformé en sauna. Dans mon costume de "chez Manuel", couturier parisien pour les "gogos" qui partent pour la première fois dans les pays chauds, je n'ai pas encore passé la douane que j'ai déjà de la bourbouille. Ce sera d'ailleurs la première et la dernière fois car j'avais toujours entendu Maman m'expliquer « Une douche à l'eau de pluie et, disparue la bourbouille ». L'expérience des autres n'est pas toujours un peigne pour les chauves........

     

    C'est la première fois que j'atterris avec un avion alors que c'est la seizième fois que je décolle..... Les autres fois j’avais sauté de l’avion en vol…………précautionneux je n'avais oublié mon parachute.

     

    Avant d'être affecté aux quatre coins du Dahomey nous les  huit « volontaires » passons quelques jours dans la capitale pour nous accoutumer, faire des emplettes, des présentations officielles et administratives. Nous allons, soit faire une nouvelle équipe de trois volontaires, ce fut mon cas, soit nous allons compléter une équipe existante.

    Nous logeons dans une maison de style colonial à la sortie de Cotonou sur la route de Porto-Novo. Là, le père Piquelin,  vieil adolescent rêveur mais déjà à la retraite, nous accueille. Il est d'origine antillaise donc de nationalité Française. Ingénieur agricole il a travaillé au Dahomey pendant de nombreuses années avant l'indépendance. Sa maison est pleine de bouquins sur l'agronomie locale et il nous sera toujours d'excellents conseils. Il a appris le Fon, langue vernaculaire de la côte. C'est un bon vivant Le "Vieux", toujours vert, reçoit des jeunettes et  fait les présentations et les recommandations.

    Le premier soir il nous a installé une grande table dans le jardin intérieur de la concession.  Une coupe de fruits exotiques en forme de pirogue trône au milieu.

    C'est magnifique. Par contre, s'ils sont beaux et appétissants,  certains de ces fruits ont un goût curieux et ne se laissent pas apprécier du premier coup. La mangue par exemple.

    De l'autre coté de la rue habitent les "Gragnano". D'origine Languedocienne ils portent l'accent haut et fort avec un cœur énorme. Chez eux nous découvrirons la soupe à la tortue et l'hospitalité paternaliste de gens charmants.

    Nous faisons rapidement la découverte de Cotonou de jour et de nuit. De jour le marché où à chaque étal trône une reine noire aux bras souvent énormes, gonflés de graisse d'huile de palme. Vêtues de pagnes multicolores, ces « mamas » surnommées « Mama Mercédès) offrent aux chalands des multitudes de crabes, de crevettes, de fruits, de poissons, de légumes souvent étranges pour nous. Papayes, gombos, manioc, igname, oranges rarement oranges mais plus souvent vertes, néanmoins mures, petites aubergines amères, mangues.

    Le marché semble désordonné mais ce n'est qu'une apparence. La bonne humeur y règne par dessus tout malgré les querelles nombreuses qui sont faites surtout de faux semblants. Tout se discute longuement sinon où est le plaisir de vendre et le plaisir d'acheter. Les règlements se font en franc C.F.A. Cent francs C.F.A. valent deux francs français.

    La nuit et les odeurs de la nuit. L'électricité n'est pas encore partout. Les gens se déplacent avec des lampes tempêtes ou de petits lumignons faits de boîtes de conserve remplies de pétrole dans lequel plonge une mèche. Cela fume abondamment et participe à cette odeur curieuse un peu lourde, mélange de senteurs marines et de cuisine que l'on fait en plein air au charbon de bois. Des cochons noirs se baladent partout à la recherche de leur nourriture faites de pelures, de restes de poissons. La nuit pour nous c'est le moment de commencer à découvrir l'Afrique profonde des villes. Faire la connaissance des filles, des serveuses ou danseuses dans les différents bars et boîtes de nuit de la ville.

    Les européens établis qu'ils soient coopérants ou anciens colons, planteurs, commerçants, nous voient d'un drôle d’œil, nous les prolétaires de la coopération. Faire du vélo en ville...... !. Ils ont peur de la dégradation de l'image du blanc dans l'esprit des «indigènes».....

    Nous fréquentons, par goût et par obligation financière, les petits restaurants. Chez les tables plus luxueuses on ne mange que de la cuisine française où tout vient de métropole. Quel intérêt ?

    Peu de temps après notre arrivée nous sommes conviés à manger à la « paillote » sur la route de Porto-Novo. Nous sommes au milieu des cocotiers et des filaos. Cet arbre ressemble à un pin, pourtant ce n'est pas un résineux. Le sol n'est que sable où se promène des crabes dits de cocotiers. Le patron du restaurant est d'un beau teint "rougeâtre" est d'une bonne humeur extraordinaire. Il danse sur l'air de "sans chemise et sans pantalon" avec une bouteille en équilibre sur la tête.

    Le lendemain nous visitons Ganvié un village lacustre situé à une dizaine de km au nord de Cotonou.  Le village principal Ganvié, est bâti sur pilotis au milieu de la lagune. Bien entendu les habitants sont essentiellement pécheurs mais j'apprends plus tard qu'ils sont aussi et surtout contrebandiers. Ils se déplacent en pirogue et savent nager sans doute avant de savoir marcher. Comme ce n'est pas loin de Cotonou ils commencent également à profiter de la manne du tourisme. Tant mieux pour eux tant pis pour le naturel.

     

    Fait à Castelnau de Guers le 4 Avril 2020

    (en pleine crise du Coronavirus)

    Robert JAEGER-GARTZ

     

    Hommage à Prudencio Eustache Poète Dahoméen. 1924-2001

     

    Au fil de l'eau

     

    Avez-vous jamais eu le bonheur de voguer

    Sur la Sô de Ganvié à Kinto ?

    Évadez vous donc de la ville amis,

    Allez à Calavi

    Et sautez dans une pirogue.

    Vous admirerez l'élégance du passeur

    Qui pousse gracieusement son esquif

    Sur les vagues calmes et brillantes

    Telles des paillettes d'argent.

     

    Au fil de l'eau....

    Des nénuphars en fleurs se balancent.

    Aux portes de Kinto, des caïmans

    Flottent

    Comme des morceaux de bois mort

    Émergeant à peine des vagues sombres.

    Les pêcheurs tirent leurs filets

    Sans s’affoler; coexistence pacifique ?

    On dirait qu’un pacte tacite

    Les lient à ces reptiles silencieux.

     

    Tout est calme et reposant par ici.

    L’onde, Le ciel, Les arbres

    Les riverains devisent sans bruit,

    Assis sur des troncs d’arbre sans sève.

    Et le vent léger qui passe

    Semble dire aux touristes d’un jour

    « Venez, venez vivre

    Ici sur les rives de notre SÔ natale

    Venez, venez noyer ici vos soucis et ennuis de la ville.

    Venez, venez renaître ici au fil de l’onde de la SÔ 

    Au fil de l’eau de Ganvié à Kinto.

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