Le conteur Jaeger Il conte et raconte sans compter une vie par lui bien remplie
34120 CASTELNAU DE GUERS FRANCE

École Militaire Préparatoire de Tulle

29 Mars 2020   1er tiers

  • Comment suis-je arrivé là ?
    Oh tout simplement et parce que j'ai de la suite dans les idées. Une première tentative infructueuse en 1954 en passant sans succès le concours d'entrée aux enfants de troupe de la marine à Aix en Provence. Je récidive en 1956 à Narbonne à la fin de ma 5ème quand je passe le concours pour rentrer à l'École Militaire Préparatoire de Tulle.
    Je juge positif le port de l'uniforme alors que les fringues que le budget familial nous permet, ne sont pas au dernier top de la mode.
    Gros avantage pour la famille, les études sont totalement gratuites et la prise en charge par l'armée totale. Habillement, scolarité, sports et voyages.
    Mais ce qui prime c'est le besoin de m'éloigner de la maison.

    Le règlement est d'inspiration militaire. L'on devient des élèves enfant de troupe X ou Y. Plus de vacances mais des permissions, avec un titre du même nom et un titre de voyage et non plus un billet.
    L'on doit le salut à tous les militaires qui deviennent tous, (même les plus bornés), nos supérieurs hiérarchiques. L'on apprend à marcher au pas.....en sifflant le pont de la rivière Kwaï. Si on fait des conneries nous ne sommes pas collés mais l'on nous distribue des jours d'arrêt. Qui se traduiront, à la fin du trimestre, par des jours de vacances en moins. La sanction est annoncée le midi au rapport de l'école où toutes les sections de 5ème, 4ème et 3ème sont réunies face au capitaine Minbielle qui commande la caserne Lovy. Le nom de ce capitaine devient pour moi à jamais synonyme de bêtise, de méchanceté, de cruauté facile. Minbielle Je vomis ce nom. Tous les imbéciles qui ont une parcelle de pouvoir et qui en abusent sont et seront pour moi et pour toujours des "Minbielle".

    Si les cadres sont militaires, les profs sont civils. Je me souviens de mon prof de math qui dicte ses cours d'une manière particulière. Exemple : « On appelle deux P deux L le produit, D. U. I. T. de deux nombres, S » ou encore : « Théorème : T.H. souligné deux points » et ainsi de suite.
    Ici comme à Narbonne les cours de techno sont fastidieux. En fin d'année, les plus doués ont une petite enclume à réaliser, les autres ont un marteau..... L'enclume et le marteau. Et moi j'étais sans doute au milieu.
    Au réfectoire il faut y aller en rang, déboîter par colonne, ôter son béret et entrer en silence. Un jour j'oublie, la sacro-sainte règle du silence et entre décontracté dans le réfectoire. Je reçois une gifle du sergent. Une gifle est forcément déshonorante. Par réflexe je lui administre un coup de poing de toutes mes forces dans l'estomac. Il n'y a pas de suite immédiate parce que cela gronde sérieusement dans les rangs. Mais par contre beaucoup de rancœur et beaucoup de lâches réprimandes futures me seront octroyées.
    Le soir il y a la vie dans les dortoirs. Moment rare pendant lequel on échappe, à la surveillance continuelle des garde-chiourmes. C'est à qui fera le plus de sport possible. Des pompes, des tractions, de la corde à sauter. Pas de pitié pour les douillets. La loi du plus fort ou dégourdit y règne en maître. Les défis sont sévères et musclés. Les sauts du haut de l'armoire en position de réception sur les poignets pour une série de pompes etc.
    Un dimanche, nous revenons du stade où s'est déroulé un match de rugby. Nous étions donc en tenue de draps, la tenue de sortie officielle. Avant de dîner il faut passer au dortoir enfiler, par dessus la tenue de sortie, un treillis et passer en étude une bonne heure et toujours en silence. Un gradé "intelligent" trouve que nous faisons trop de bruit. Il nous ordonne de sortir immédiatement dans la cour de la caserne. Il fait nuit et il pleut. Nous sommes immédiatement en rang par trois. L'ordre bête, stupide, sort de la bouche de cet autre "Minbielle" « Couchez, position appui tendu ». Stupéfaction et incrédulité dans les rangs, mais nous avions bien entendu, il faut se coucher au sol. « Rampez ! » Il pleut et nous portons nos tenues de sortie sous les treillis. Nous faisons ainsi le tour de la cour remontons en rampant la rigole centrale drainant l'eau de ruissellement. L’eau pénètre dans la chemise par le col. Si nous rampons en levant la tête le « Minbielle » de service est là pour nous appuyer sur le cou avec ses godasses…….. ! Puis « Délassez vos brodequins et en petite foulée ». Jusqu'à épuisement et pendant ce temps là l'heure du repas était passée. Sadisme gratuit de militaire planqué échappant aux guerres coloniales de l'époque et prêt à tout pour rester à l’abri du 1er départ ou du retour dans le djebel algérien.

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