Le conteur Jaeger Il conte et raconte sans compter une vie par lui bien remplie
34120 CASTELNAU DE GUERS FRANCE

Les Zangbetos

30 Avr. 2021   2eme tiers

  • Une nuit, en pleine fête vaudou, les sorciers de la nuit, les «Zangbetos" sont de sortie. 

    Ils font tourner au-dessus de leur tête des bambous de calibres différents qui produisent des sons assez lugubres. Les femmes et les non-initiés sont interdits de sorties.

    Je ne suis pas une femme, mais je ne suis pas initié. La curiosité l'emporte et je cherche à découvrir les dits "Zangbetos" qui sont très proches.

    Ils semblent chercher à nous impressionner.

    Mes souvenirs d'approche nocturne de ma période militaire reviennent vite (ce n'est pas si lointain). Je me camoufle en faisant FOMEC (Je rappelle pour ceux qui n'ont pas suivi : Forme, Ombre, Mouvement, Eclat, Couleur) et me glisse vers les sons. Peine perdue. Ils sont manifestement plus malins que moi et je ne les distingue qu'à peine.

     

    Un autre jour à Avrankou devant la maison je vois un danseur s'agiter entièrement camouflé sous un habit de raphia. Il accompagne des femmes qui sortent du couvent de féticheurs d'Adjarra. Mais le danseur chante et parle. Je reconnais formellement la voix du frère de Lucien. Ce dernier comme toujours m'accompagne. Mais il refuse d'admettre qu'il peut s'agir de son aîné. Pour lui le danseur qui est là à quelques mètres est un être surnaturel, représentant des esprits et rien d'autre. Et je suis certain qu'il y croyait vraiment.

     

    Très régulièrement nous voyons passer devant chez nous des femmes, sorties tout droit des couvents de féticheurs basés à Adjarra. Les femmes ont le crâne rasé et leur peau est blanchie à la chaux. Elles psalmodient des chants rituels tout en agitant des feuillages de palmiers à huile.

    Mais aussi beaucoup d'enfants défilent toujours avec les mêmes rituels. Crâne rasé, torses nus et de la chaux sur la tête.

    Que font-ils dans ces couvents ? Ils s'initient aux pratiques de sorcellerie Vaudou. Ce sera toujours un mystère. Peut-être y apprennent-ils l'art de la grande spécialité du Dahomey ? Les empoisonnements.

    J'ai, durant mon séjour, connu avec certitude deux cas chez des européens.

    Un professeur de lycée pédophile s'est fait empoisonner par des parents mécontents. Le prof, tombé malade, a été envoyé au CHU de Marseille spécialisé dans les pathologies toxiques. Il est mort pendant son transfert. Diagnostic : Poison mortel mais inconnu.

     

    Autre exemple : Un volontaire du Togo amoureux d'une Mina (1) se voit reprocher une inefficacité qui n'a d'égale que son amour pour la belle. Il est expédié au Dahomey proche et tombe malade. Après analyse, on a confirmation de son empoisonnement.

    Le remède ?  

    Retour auprès de la belle, conseillé par un toubib militaire français expérimenté.  Il prédit que la dulcinée administrera probablement un poison longue durée qui sera couvert par un contre-poison de plus courte durée, administré par la même belle, pour garder en vie son amant.

     

    Effectivement, quelques temps après son retour le volontaire se porte mieux. Le toubib a recommandé d’attendre deux ou trois mois pour endormir la méfiance de l'amoureuse.

     

    Il devra quitter les lieux de façon subite et imprévisible sans même prendre une brosse à dents.

    Le soir même il a quitté le Togo.  Et ça a marché.

     

    Écrit à Castelnau de Guers le Dimanche 5 Avril 2020

    En France, nous avons dépassé le seuil des 10 000 morts du Covid19

     

    (1) Ethnie du sud Togo ayant toutes les coutumes des Fons du Dahomey

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