Juin 1954 Je viens de finir la 8ème et la 7ème au lycée de Carcassonne. J'ai comme tout un chacun, surtout quand il est plutôt assez bien noté, plusieurs possibilités :
-Me présenter à l'examen d'entrée en 6ème. (Il a été supprimé qu'en 1956)
-Choisir une autre direction. Par exemple un enseignement m'amenant directement vers une carrière militaire.
-Choisir d'arrêter ma scolarité en allant faire deux ans à l'école communale pour passer le « Certif » (École obligatoire jusqu'à 16 ans)
Je choisis de me présenter au concours d'entrée en 6ème à l'école des enfants de troupe de la marine.
Au moins deux raisons à cela.
Je suis influencé par Marcel le fils du propriétaire du café de la placette à Salsigne. Il fait partie de la « musique des équipages de la flotte » sur la « Jeanne » en qualité de saxophoniste.
Deuxième raison : Aix en Provence est loin de Salsigne donc loin de la maison.
Quand je dis la maison je ne suis pas sincère. Je veux m'éloigner de l'autorité du père Vencell. Il n'est bavard avec personne mais il y a des limites. Avec moi jamais il ne me parle directement sauf pour me signifier une punition.

Je passe donc le concours d'entrée à Aix en Provence à la caserne de Carcassonne. Je suis persuadé d'avoir réussi le concours pour Aix. Je néglige complètement l'examen pour la 6ème à Carcassonne.
Résultat, je me retrouve à l'école communale de Salsigne en 1ère année de fin d'étude qui devrait m'amener au certificat.
C'est la honte mais je suis bien obligé de renoncer provisoirement au titre de lycéen. J'étais écolier et je vais devoir le rester encore un an. Monsieur Gaman est muté je ne sais où. C'est une jeune institutrice qui prend la classe des « Certifs ». Elle est petite, jolie et très sympathique. Mais les gaillards qui composent sa classe, les Pagès, Philippe Bezon, Mustapha Daoud ne sont pas les plus disciplinés. Et la pauvre va être quelquefois pas mal chahutée. Son nom Mlle Gisèle Labrid.
(Mars 2020. Je vais lui rendre visite régulièrement. Nous parlons ensemble des heures durant en buvant du café. J'ai 77 ans. Mme Ibanez qui est amoureuse de ses chèvres et de ses poules porte très joliment ses 88 ans).
Elle se souvient 66 ans après, de l'histoire d'Antoine des « Pignons » de Salsigne.
Il y a dans le village un gentil fada . En ce temps là on ne cachait pas forcément nos «fadas», dans des établissements psychiatriques. Notre fada s'appelle "Antoine des pignons". Pourquoi des pignons ? Tout simplement parce qu'il collectionne les pignons de pins.
Il les stocke dans des boites de lait "Guigoz". « Pignons, pignons » demande t-il allant de porte en porte. Et chacun de le satisfaire par des pignons en saison et des capsules de bière le reste de l'année.
Au tout début de la prise de fonction de Mlle Labrid, voilà notre Antoine qui s'amène, ouvre la porte de la classe et commence à demander « Pignons, pignons ».
Ne connaissant pas le Monsieur, Mlle Labrid s'agace ce qui provoque chez Antoine toujours la même réaction. Il s'assied en tailleur dans l'encadrement de la porte.
Or il est fort comme un turc. Personne ne peut alors le déménager............pauvre Mlle Labrid.

Aparté :
En 1985 te souviens-tu Martin et toi aussi Eric, c'était lors d'une randonnée équestre avec la famille Sarrail. Nous avons fait une halte sur la place de son village le Mas des Cours. Je l'ai appelée par son nom de jeune fille, elle s'est mise à sa fenêtre et malgré le temps passé Mlle Labrid m'a tout de suite reconnu en m'appelant par mon prénom. 30 ans s'étaient écoulés.

Après cette année de raccroc je rentre en 5ème au collège technique de Narbonne. Je continue à me demander pourquoi suis-je inscrit dans une école technique ? Moi qui ne suis absolument pas doué pour tout ce qui est …........mais au fait pour quoi suis-je doué ? Qu'est ce qui m’intéresse vraiment ?