Le conteur Jaeger Il conte et raconte sans compter une vie par lui bien remplie
34120 CASTELNAU DE GUERS FRANCE

Le Paris de ma tendre enfance

25 Mars 2020   1er tiers

  • Quand je fus conduit à Paris en cet été 1947 j'avais 4 ans révolus.
    La séparation brutale d'avec ma famille allemande, a été gommée par mes premières vacances en Normandie. Mes grands-parents maternels ont tout fait pour qu'il en soit ainsi. Des souvenirs heureux. Avec la rentrée il y eu le retour de la Normandie vers Paris et la rentrée scolaire. Ma première rentrée à l'école.

    Paris c'est d'abord bien sur l'appartement du 39 rue Rochechouart au croisement de la rue de Maubeuge. Ma grand-mère, Mémère, est propriétaire de cet immeuble de six étages ayant deux appartements et un studio par étage jusqu'au 5ème. Tout en haut, au 6ème donc ce sont des chambres mansardées qui accueillaient autrefois les bonnes. L'une d'elle est transformée en atelier pour Pépère qui y fignole ou refait des aquarelles d'abord prises sur le vif. Plus tard quand je serai étudiant à Montargis, j'aurai ce pied à terre bien commode pour moi tout seul.
    En rentrant dans l'appartement du 3ème, un petit vestibule donne à droite sur une cuisine et une douche et un WC. Au fond la chambre de mes grand parents. Dans la chambre un piano droit sur lequel j'exerce des talents que Mémère tentera d'éveiller en moi. Il semble que je suis assez doué.
    En décrivant l'appartement j'ai encore son odeur inscrite dans ma mémoire. Mais comment décrire une odeur?

    A gauche du vestibule une fenêtre qui donne sur la cour intérieure de l'immeuble et sur toutes les cours intérieures du pâté de maison.
    En face de l'entrée, la porte de la salle à manger. Là aussi une fenêtre donne sur la cour. Là viennent s'exprimer les chanteurs ou musiciens des rues que l'on remercie avec des pièces de monnaies jetées des étages à leur adresse.

    De l'autre coté de l'appartement la fenêtre qui donne sur la vie.
    La rue Rochechouart.
    C'est de là que je découvre le Paris de Prévert avec ses carrioles de laitiers qui approvisionnent les crémiers. Le cheval patiente en mangeant son picotin d'avoine dans un sac accroché à sa bouche.
    Le gazogène hérité de la guerre fume pendant que le charbonnier livre ses boulets.
    Rameutant les clients, les vendeurs de journaux, les rempailleurs, les vitriers et tous les petits métiers totalement disparus aujourd'hui.
    C'est l'odeur caractéristique qui m'attend quand je sors du 39 de la rue Rochechouart. Le crémier à gauche et le charcutier à droite. Jamais plus je ne mangerai un yaourt en pot de verre sans me souvenir de l'odeur de la boutique du crémier.
    Jamais plus je ne mangerai une choucroute sans me souvenir de celle du charcutier de la rue Rochechouart. Un peu plus haut sur la gauche, au n°45, le marchand de vin "Nicolas ». Il m'arrive d'être chargé de ramener quelques bouteilles dans un panier métallique. L'odeur du vin mêlée à la sciure n'est pas des plus plaisante mais elle est là quelque part et pour toujours dans ma mémoire. Entre Nicolas et le crémier le marchand de journaux où je suis allé assez souvent, chercher l'Aurore qui se lit à la maison.
    Il y a encore en circulation les pièces trouées en leur milieu avec la francisque héritée de l'état Français du maréchal Pétain. La devise « Travail, Famille, Patrie » n'est plus à la mode mais elle est encore présente.
    Des tickets de rationnement sont encore en circulation dans le Paris de 1947-1951.

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