Le conteur Jaeger Il conte et raconte sans compter une vie par lui bien remplie
34120 CASTELNAU DE GUERS FRANCE

Lucien Géjé, fils du chef de Sékamé

30 Avr. 2021   2eme tiers

  • Notre programme de travail comprend la construction de notre propre logement d'après nos propres plans. Cela doit être fait en collaboration avec le village d'accueil. Mains blanches et noires réunies. En contrepartie la maison sera plus tard la propriété du village. (Elle deviendra dispensaire vétérinaire)

    En accord avec les autorités nous nous installons à Sékamé un petit village éloigné de quelques trois ou quatre kilomètres. Mais en réalité ici pas de village mais des "tatas dispersées". Ce terme mérite une explication. L'habitat est, dans cet écosystème particulier, coutumièrement dispersé, toujours situé au milieu des terres exploitées par la famille. La tata est en fait une ferme entourée de murs en  «banco»  très argileux, avec deux seules entrées.

    C'est une ferme fortifiée qui abrite la famille au sens africain du terme. Le patriarche et ses épouses,  ses fils et leurs épouses et tous les enfants. La monogamie est ici la coutume imposée par le catholicisme et le fétichisme.

    L'homme est enterré dans sa propre maison dans une tombe assez profonde creusée dans la pièce où il vivait. Un an après la mort, l'on exhume la tête du défunt qui va être exposée soit dans le couvent des féticheurs, soit le long d’un chemin, aux abords de la « tata » où il a toujours vécu et d'où il protégera celle ci.

    Qu'est ce qui détermine le choix ? Je n'en ai jamais rien su. Il n'est pas facile d'en parler et de rentrer dans ces voies souvent très mystérieuses et fermées aux profanes que nous sommes.

     A l'une des sorties ou entrées..........de la "tata" se trouve la case des fétiches avec toute une série de petites statuettes en terre, genre bouddha. Elles représentent tous les mâles vivants de la tata. Facile pour le recensement et utilisé d'ailleurs par les autorités. Il suffit de compter les statuettes et de multiplier par deux et le tour est joué.

    Celui qui me permet de comprendre quelque peu les mystères de la religion vaudou c'est Lucien.

    Si à Cotonou beaucoup de gens parlent le français, dès que nous nous enfonçons quelque peu en brousse les gens ne parlent plus que la langue vernaculaire, le Fon ou le Yoruba. Lucien le fils du chef de Sékamé sera mon interprète. Il devient au fil du temps, mon premier copain africain.

    Copain ? Plus que ça sans doute, mon double, mon écho, mon initiateur, mon confident, mon complice parfois. Deux années complètes avec lui tous les jours, dans tous les recoins de la brousse, deux années à répondre à toutes mes questions avec la plus extrême gentillesse sans que je puisse me souvenir de l'avoir vu une seule fois se fâcher.

    Son père, "le Vieux," le terme n'est pas péjoratif mais au contraire respectueux, est coiffé d'un superbe bonnet de tissu bariolé qui retombe sur le coté. C'est la coiffe traditionnelle des Fons et des Yorubas. La coutume exige que pour une cérémonie l'ensemble de la famille s'habille avec le même tissu bariolé. Les femmes portent le pagne. Les hommes portent un pantalon sans braguette. Hommes et femmes portent pratiquement la même chemise sans bouton. Légèrement échancré pour les hommes avec une jolie broderie, col rond pour les femmes. Seuls les chefs rajoutent un boubou toujours dans le même tissu.

     

    Je suis obligé de m'absenter quelques jours pour je ne sais quelle raison. A mon retour je vais immédiatement saluer le chef, le vieux Gejé, avec Lucien. Ce dernier m'attendais sur le bord de la piste. Comment avait-il su que je n'étais pas loin ? Je salue les aînés de Lucien. Les femmes, les enfants. Je remarque qu'il manque sa sœur âgée d'une quinzaine d'années. Je n'y attache pas plus d'importance. Quelques jours passent et je ne la vois toujours pas. Lucien m'explique qu'elle est partie chez sa tante. Quelques semaines encore après, Lucien et moi arrivons à quelques km de Sékamé aux abords d'une tata que je ne connais pas. Je veux y parler « amélioration de la race locale de poulets ». Lucien me dit qu'ici ça va être facile parce que nous sommes chez le mari de la tante de Lucien. Je m’enquiers illico de la sœur de Lucien. Il élude la question et me fait une réponse vague. Cela m'intrigue mais je ne veux pas me méler d'affaires qui ne me regarde pas.

1 / 2

Téléchargez la version pdf

Biographie