Le conteur Jaeger Il conte et raconte sans compter une vie par lui bien remplie
34120 CASTELNAU DE GUERS FRANCE

Rites initiatiques

20 Mars 2020   1er tiers

  • Sans doute pour me différencier de la famille qui n’est pas pratiquante et peut être pas croyante, mais aussi pour me sortir du milieu familial, je deviens "enfant de chœur".
    Les aubes blanches avec des surplis rouges sont encore de rigueur, mais elles sont très vite remplacées par des aubes entièrement blanches.
    Mon copain Ignace Campayo devient enfant de chœur en même temps que moi. Nous prenons très au sérieux notre fonction de « servant ». Peut être un jour serons nous thuriféraire.
    Le Père Bobichon, est grand, maigre, vêtu de la soutane noire traditionnelle de l'époque. Il est plein d'énergie, chaleureux et charismatique.
    Il deviendra plus tard chanoine de Coursan.
    Être enfant de chœur c'est un moyen de chanter. Mais il y a aussi les avantages que confèrent la quête. La plupart des offrandes faites par les fidèles sont destinées à faire vivre l’église et son curé. Mais pour les mariages, les baptêmes et les enterrements nous avons une petite partie du pécule. Ces subsides nous permettent, Ignace et moi, d'acheter nos premières cigarettes. Elles nous rendent malades bien sûr mais il est important de devenir des hommes. On essaie de cacher l'odeur avec des amandes pas encore trop dures au printemps, puis des cerises chapardées ici ou là ou plus tard des mures.
    A la sortie de la messe dominicale, j'ai la charge parentale bien douce, de passer chez le pâtissier, pour y acheter les mille-feuilles et autres éclairs auxquels la maisonnée a droit le dimanche.
    Le vendredi-saint les enfants de chœur passent de maison en maison et de ferme en ferme pour récolter des œufs frais chez l'habitant. Cette récolte faite nous partons le lundi de Pâques avec le père Bobichon déguster les omelettes en campagne. Omelettes préparées par nos familles. Omelettes salées mais aussi les délicieuses omelettes sucrées de maman.
    Filles et garçons réunis, ce qui est rare à cette époque. En dehors du catéchisme et de l'école cela n'arrive jamais.
    Parmi ces demoiselles il y a Marie-José Albero. Elle vient à l'école au village mais habite au hameau de « la mine ». J'en suis amoureux mais je n'ai jamais osé lui dire quoi que ce soit. Nous ferons la communion solennelle ensemble et monterons à l'autel ensemble. Comme pour un mariage........ Et puis. ? Comme j'ai le bras droit dans le plâtre suite à ma clavicule qui n'a pas résisté à une chute à vélo, c'est Marie-José qui m'aide...
    Et puis ? ….....Et puis c'est tout. La timidité.
    La communion solennelle se prépare entre autre par une retraite de prières durant quelques jours. Nous allons du coté de la Montagne Noire toute proche.
    Une petite ferme isolée du coté de Cubserviès va nous abriter deux ou trois jours. Le soir tout le monde va se coucher mais nous avons découvert une bouteille de « carthagène » sur la cheminée ! En découle ma première connaissance avec le vin ainsi que ma première « petite » cuite.

    C'est à Salsigne que j'apprends à nager dans l'Orbiel en amont des châteaux de Lastours. Nous descendions à pieds par les chemins de traverse jusqu'à la rivière en amont du village.
    Les plus grands expliquent aux petits les mouvements pour faire la nage dite indienne, réputée silencieuse. Il y a une vasque d'eau assez profonde pour accueillir ceux qui tentent de vaincre leur peur. Le rite initiatique incontournable consiste à plonger la tête la première pour rejoindre, sous l'eau, la rive d'en face.
    Sur l'unique vélo de course de Philippe Bezon nous avons un deuxième rite à passer, celui de la descente en vélo de la Jonquières jusqu'à l'entrée de Lastours au niveau de l'église. Un km de descente à 7,5% de moyenne. La vitesse estimée avec un tournant en épingle à cheveux, frôle 80 km/h dans les trois cents derniers mètres avant l'entrée du village.

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